Histoires ici et là (non corrigées)

Un fils d`Italie

 

Je suis parti de Naples en bateau le 1er juillet 1953, pour arriver à Halifax  le 9 du même mois. Le soir, on a pris le train pour Lévis et nous y sommes arrivés le lendemain. Le  11 juillet, nous étions à Noranda. Un de mes frères y travaillait déjà. En août, la Noranda tomba en grève.

Je suis entré le 20 mai 1954 à la Noranda et en 40 ans, je n’ai jamais eu aucun reproche, Durant l’été 1953, le C. N. R. (Canadian National Railway) et l’O.N.R. (Ontario Northland Railway) avaient besoin de travailleurs pour entretenir la voie ferrée. A partir de l’Ontario, on arrivait à Arntfield en passant par Kanasuta et Dasserat. Là, j’en ai braillé un coup! Je travaillais avec un autre Italien; on couchait dans un des trains placés sur la voie d’évitement. On couchait comme des animaux; pas de drap, seulement de vieilles couvertes sales et il y avait des vieux malpropres qui chiquaient et crachaient. On n’avait pas froid parce que, durant la nuit, un employé du train se promenait avec des chaudières à charbon pour chauffer. Il n’y avait pas de fenêtre ni d’autre ouverture là dedans, ca sentait mauvais.

On travaillait dix heures par jour à 0.70 cents l’heure et on payait $3.00 de pension; c’était cher pour le temps. Nous avions nos trois repas. Nous partions le matin à jeun de notre char-dortoir et nous allions déjeuner dans un autre. Nous avions des œufs et du lard et j’en mangeais, même froid; c’était correct, mais je n’étais pas habitué à la nourriture canadienne. Un Italien qui travaillait là depuis trois ou quatre ans trouvait ça bien bon. Comme il fallait manger, je prenais surtout du pain et du fromage cheddar, laissant les autres choses sur la table. Je n’en mangeais pas, mais je me faisais des sandwiches avec du pain et des œufs pour emporter en attendant le repas suivant. Quand on travaille fort, ça fait long entre les repas, surtout quand on est jeune, on a un bon appétit et j’avais dix-sept ans. Le contremaitre était un italien et il nous permettait d’emporter du manger tant qu’on en voulait.

Il y avait une draisienne à gazoline sur la voie ferrée pour le transport des hommes à  l’ouvrage. Notre principal travail consistait à changer les dormants des rails; il fallait aussi couper les vieux rails par bouts, en faire des tas qu’on mettait dans un petit chariot, pour les porter ensuite à la fonderie de la Noranda. Là, on fusionnait ce fer pour en faire des boules qui étaient expédiées ensuite à l’extérieur.                                                                    Nous avons continué à travailler là, en hiver, à différents travaux. On déblayait surtout les rails d’évitement avec des balais ordinaires, et la grosse charrue à neige passait avant  l’heure du train pour mettre la voie ferrée à jour quand il y avait eu tempête de neige.  On y a passé l’hiver et, au printemps, j’allais au bureau de la Noranda afin d’être embauché

Héros sans panache, volume un par Annette La Casse-Gauthier  raconté par Domenico Mastromatteo.  Jules Jobin

 

 

 

 

 

Le courtier en assurance

A mon arrivée à Rouyn, vers l’âge de 16 ou 17 ans, j’ai été à l’emploi du Canadien National Express, au service des messageries. Mon patron était un M. Darveau.

Nous avions à desservir trois gares, parce qu’il y avait les deux gares de l’O.N.R., dans Rouyn-Noranda, et une gare du C. N. à Noranda. Toutes les marchandises en transport arrivaient par les trains passagers; il y avait aussi le *freight* qui était un convoi plus lent et seulement pour les marchandises lourdes. Dans ces marchandises, il pouvait tout aussi bien y avoir des abeilles que des films pour les théâtres. Il s’agissait de prendre ces marchandises à la gare et d’en faire livraison à l’intérieur de la ville.                                 Durant ce même laps de temps, sans m’en rendre compte, je m’intéressais aux assurances à cause des avantages qu’elles permettaient.                                                                      Un jour, par hasard, j’ai rencontré un ancien ami devenu résidant à Kirkland Lake. Il avait déjà travaillé pour le bureau d’assurance de Gaétan Desabrais. Pour diverses raisons, il avait quitté ce bureau et avait acheté celui d’un nommé Trudeau, à Kirkland Lake; ce dernier prenait sa retraite.                                                                                    Noêl Guimond avait déjà une bonne clientèle d’établie ici, à Rouyn, et comme je lui avais laissé voir de l’intérêt pour ce genre de commerce, il m’a proposé d’ouvrir un bureau en société avec lui et j’ai accepté, J’ai alors reçu beaucoup de paperasse à cet effet, comprenant surtout un manuel pour étudier sur   l’assurance. C’était la seule école qu’il y avait à suivre et, tout en maintenant mon travail régulier au C, N. j’ai passé l’hiver à étudier. J’ai réussi les examens, et je suis devenu en mesure de me lancer dans l’assurance. J’ai laissé la ligne de chemin de fer.

Naturellement, il avait fallu y penser deux fois avant de changer de métier car, avec le C.N. l’ancienneté comptait, quant aux salaires et autres avantages, bien plus que le talent à moins que l’ambition ait toujours visé à un avancement important. C’était le temps qui comptait le plus et j’ai consciencieusement pesé le pour et le contre avant de signer ma résignation, car j’avais déjà 16 ans de faits pour cette compagnie.

J’étais pleinement conscient de l’acte que je posais et j’étais confiant dans le nouveau défi qui m’attendait. J’ai signé sans regret. C’est ainsi que je quittai mon emploi du plus grand chemin de fer au monde pour commencer avec Racicot & Guimond, le plus petit bureau assurance de la ville de Rouyn-Noranda.

Le comique de l’histoire est que le C.N., formé par plusieurs compagnies ferroviaires, appartenait à l’État et, probablement pour être égal à lui-même, il se disait continuellement en déficit. Le mot d’ordre était toujours qu’il fallait couper les dépenses. Il me semblait qu’en entrant dans une importante compagnie d’assurance, enfin j’allais respirer plus à l’aise. Cette fois, ce serait la prospérité! Je n’entendrais plus la sempiternelle rengaine de  restriction. Mais ça été du pareil au même; chaque année, on sortait le bilan pour nous dire qu’il y avait bien des réclamations et que  l’année avait été difficile et elle se lamentait elle aussi.                                                                                       Quand j’ai pris ma retraite des assurances, j’ai eu l’impression que cela a dérangé  mon épouse beaucoup plus que moi. Habituée à ne pas compter sur ma présence en dehors des repas et du repos, elle avait organisé ses journées en conséquence; pour elle, j`étais un

peu comme un intrus chez moi. J´ai même été chef des pompiers de Rouyn. J’avais commencé au bas de l’échelle, comme simple sapeur, puis secrétaire à l’administration, ensuite directeur-assistant. Quand notre chef a pris sa retraite, je l’ai remplacé et j’ai occupé ce poste pendant 18 ans. Six mois après ma retraite de  l’assurance, j’ai laissé à mon tour les pompiers, le 31 décembre 1986, date de la fusion des villes de  Rouyn et de Noranda. Pour se maintenir en activité, le corps des pompiers cherchait à se joindre à d’autres et ainsi former une association où des compétitions entraient en tournoi une fois l’an; il y avait des démonstrations publiques, des exercices pratiqués durant l’année, propres à secourir les victimes dans n’importe quelles conditions et à éteindre les incendies de toutes sortes.                                                                                                                                   La brigade de Rouyn fut la première du Québec à faire partie de cette association ontarienne. A cette fin, J.O. Dubois et un nommé Thomson se sont rendus à Kirkland Lake, en février 1928, pour rencontrer le conseil de l’association. Le voyage se fit en chemin de fer. Pour cela, ils ont dû passer par Taschereau, Cochrane, Swastika (toute une tournée!), coucher en chemin. De nos jours, on va à Kirkland Lake dans un peu plus    d’une heure.                                                                                                                              Je suis né à Laverlochère. Mon père avait occupé plusieurs emplois dans le domaine minier, alors que le développement de ces mines se faisait par Fabre, au Témiscamingue. Lors de la construction du chemin de fer, en 1924, mon grand-père Provencher  a établi un magasin à Laverlochère, non loin de la voie ferrée. Il s’est formé un genre de petit village à cet endroit, alors que le centre paroissial se trouvait à environ un mille de

distance.                                                                                                                                  Mon oncle Ronaldo était rendu à Rouyn; il se brassait beaucoup d’affaires par là et il me trouva un emploi d’été; le C.N. m’a embauché sur la messagerie et, après les vacances, je suis revenu chez moi, à  Laverlochère. Les études ne m’intéressaient pas tellement et voilà qu’au bout de 15 jours je reçois un télégramme. C’était la méthode la plus courante

et la plus économique pour atteindre quelqu’un puisque la compagnie de chemin de fer en était le maitre d’œuvre; le téléphone était alors peu utilisé.                                                           Nous étions en 1941. La guerre grondait en Europe et le Canada devait y participer. Pour l’instant, j’étais trop jeune et on me demandait au C.N.                                                                        J’ai fini par vieillir et recevoir mon appel, Je ne fut pas exempté par le C.N.;cela était réservé aux gars de la mine Noranda et aux fils de cultivateurs.                                                    Au retour, j’ai pu reprendre mon emploi et je me suis fait opérer pour ma varice; c’était en 1943. Lorsque les gars sont revenus de l’armée, ils avaient préséance sur nous, mais le chiffre d’affaires du C.N. ayant augmenté, le personnel avait doublé et j’avais également préséance sur les derniers arrivés. Peu après mon départ,  les messageries ont commencé à perdre de leur importance. L’amélioration des routes et l’abandon des trains passagers ont fait que les marchandises sont maintenant transportées par camions.                            J’aimais mon travail, mais avec ces changements ce fut pour le mieux que je devienne courtier d’assurance générale, un domaine que j’ai aussi bien aimé.                                          Héros sans panache par  Annette La Casse-Gauthier volume un; récit de Jean Racicot    Jules Jobin

 

 

 

Le missionnaire oblat

Je remplaçais le curé de Laferté en Abitibi.                                                                        On voyageait par train de Rouyn à Taschereau, la ligne Rouyn-Val d’Or, ayant été ouverte seulement après mon arrivée par ici. Avant, même pour aller à Montréal, on devait passer par Taschereau. Pour venir ici, j’avais donc pris le train à Ottawa, j’étais passé par North Bay et Swastika, en Ontario, pour parvenir à Rouyn. La route du Témiscamingue jusqu’à Macamic, en Abitibi, n’existait que depuis 1929.

Héros sans panache par Annette La Casse- Gauthier volume un, récit de Donat Martineau Jules Jobin

 

 

 

 

Pionnier d’origine irlandaise                                                                                                          Je suis né à Otter Lake au Québec. Quand je suis arrivé au Témiscamingue, je n’avais pas

tout à fait onze ans. Mon père est mort deux ans après. Nous étions installés sur une ferme à Laverlochère, Témiscamingue, et quand mon père est décédé, je suis allé demeurer à Ville-Marie chez un oncle Bastien; c’était en 1916 et j’y suis resté trois ans. J’ai travaillé pour la Riordon Pulp @Paper Cie, qui est devenue plus tard l’International Paper; c’était près de Latulipe                                                                                                                       J’ai fait deux hivers à couper des billots et, au printemps, on allait à la drave. J’ai travaillé ainsi presque trois ans, Puis la compagnie a fait faillite et c’est l’International qui a pris la suite.

Dans l’intervalle, le C.P.R. (Canadian Pacific Railway) avait décidé de monter la ligne de chemin de fer à partir de Mattawa jusqu’à Angliers. J’y ai travaillé tout proche un an, à la fin de 1921 et au début de 1922. En septembre-octobre, le C.P.R. arrivait à Angliers, dont le travail cessait pour la construction.

Nous étions 12, 15 ou 18 hommes qui précédaient l’installation des rails. Nous bàtissions des camps : un rang de planches recouvertes de papier. Nous déménagions, à mesure que les poseurs de rails avancaient, à un mille, quatre, sept ou huit… Tout dépendait où  l’on avait besoin du camp pour les ouvriers.

Avec la Crise, le cash devenait rare. Je suis parti vers le Grand Nord, à Bear Lake. C’est la seule place en Amérique du Nord où vous pouvez voir la Grande Ourse en plein jour; j’y ai passé trois ans de 1932 à 1935. 

Héros sans panache par Annette La Casse-Gauthier volume deux, récit de Agenat Dagenais  Jules Jobin

 

 

 

 

Le dentiste

Je suis arrivé ici au mois de novembre 1927 avec mes deux sœurs et mon père, qui était nommé chef de gare pour le Canadien National à  Noranda.  Nous arrivions de Saint-Marc-des-Carrières, qui était un petit village; alors je n’ai pas trouvé grand’différence avec l’endroit où nous arrivions. J’avais neuf ans et demi, à ce moment.

Je me suis senti bien dès mon arrivée. À Noranda, la gare n’était pas encore construite. Deux wagons nous servaient de maison : l’un était le dortoir et l’autre, qu’on appelait le *wagon-de-queue*, était la cuisine et la salle à manger. A travers le plancher de cette résidence temporaire, on voyait la neige…Ce n’était pas chaud et une petite *tortue*devait chauffer sans arrèt.

Or, ma mère étant décédée à ma naissance, j’avais été pris en charge par des oncles de Rivière-du-Loup.

Comme mon père était agent de gare au C.N., ca ne me coùtait rien pour voyager. J’avais un passeport et, à Québec, un de mes oncles venait me chercher pour me conduire à Lévis et de là je continuais jusqu’à Sainte-Anne-de-la Pocatière.

Mon père aimait beaucoup s’occuper de politique, mais ca n’a jamais été plus loin que dans la famille. Cependant, c’était encore trop pour le C.N. : on lui avait fait perdre sa place et il avait été transféré à Hearst, en Ontario. Mais nous demeurions quand même sur la rue Murdoch, à Noranda.

J’ai travaillé aussi au concentrateur pour quelque temps. Moi qui n’avais jamais travaillé, j’ai tout fait pendant six mois à part que de tuer. Je n’ai pas travaillé seulement à la mine mais aussi au chemin de fer C.N. afin de payer mes études. J’ai fait mon cours de dentiste à Montréal. Ensuite, je suis revenu à Noranda pour y demeurer. Mon bureau fut installé à Rouyn.

Mon père a aussi été chef de gare à Hearst, Ontario, pour un remplacement. Sa deuxième épouse a également travaillé pour le C.N.; elle s’occupait de la restauration dans les gares. Elle a ainsi desservi Noranda, Taschereau et Senneterre, alors que les voyageurs et les travailleurs pouvaient se restaurer quand les trains arrètaient pour une demi-heure.

Héros sans panache par Annette La Casse-Gauthier, volume deux  récit de Marius Raymond   Jules Jobin

Auteur: 
Jules Jobin, membre TRAQ
Mot-clef: